Charles T. Wolfe sur un matérialisme intelligent – Grandes Conférences des Archives Henri Poincaré
Le cycle des Grandes Conférences des Archives Henri Poincaré est conçu comme un espace de rencontre entre chercheurs et grand public. Il couvre de nombreux champs disciplinaires : philosophie, épistémologie, éthique, histoire des sciences et des techniques, histoire des institutions, sociologie des sciences et des organisations, etc.
Nous vous invitons dans ce cadre à écouter l'exposé suivant, suivi d'une discussion avec le public :
Charles T. WOLFE
« Un matérialisme intelligent »
13 octobre 2021, mercredi
18h-19h30
Campus Lettres Sciences Humaines
23 Boulevard Albert 1er, Nancy
CLSH, Bâtiment G, salle G04
La conférence sera également accessible en ligne (via zoom) – cliquez ici pour vous connecter, mais surtout: venez sur place si vous pouvez !
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RESUME
Résumé : Existe-t-il une histoire du matérialisme ? Une telle histoire est-elle possible ? Les contextualistes insisteront que de Démocrite à La Mettrie, ou de Diderot à Dennett, il y a au mieux une « tradition discontinue », pour reprendre une expression de Günther Mensching que j'ai citée ailleurs. Une réponse, que j'ai donnée dans certains de mes travaux, consiste à distinguer des « formes de matérialisme » (Wolfe 2016, 2020b).
Par exemple, un matérialisme plus « cosmique » ou « cosmologique » (c'est-à-dire une affirmation sur la nature de l'univers en tant que matière) par rapport à un matérialisme plus psychocérébral (c'est-à-dire une affirmation sur la nature des processus mentaux en tant que processus cérébraux), ce dernier matérialisme prédominant au milieu du 20e siècle (Smart, Armstrong) mais laissant progressivement place au physicalisme. Ou, différemment, entre deux théories de la matière différentes et leurs prolongements matérialistes différents, à savoir le matérialisme mécaniste et le matérialisme vital (cf. Wolfe 2017) : une ontologie se basant sur le mécanisme est bien différente d’une ontologie plaçant les propriétés vivantes à la base de la matière, comme celle de Diderot. Une autre approche qui n'a pas encore été explorée consiste à opposer le « radicalisme » du matérialisme des Lumières – sa dimension idéologique manifeste et autoproclamée (Wolfe 2020a, prolongeant l’idée de Jonathan Israel) – aux formes plus « scientifiques » du matérialisme qui se cristallisent autour de la biochimie du 19e siècle (ce qu'on appelle le Vulgärmaterialismus, cf. Pecere à paraître) et dans le sillage du Cercle de Vienne (par exemple, la théorie de l'identité et son ballet compliqué avec le physicalisme).
Un effet utile de la réflexion sur ce dernier contraste, est qu'il nous aide à éviter l'erreur commune de parler du matérialisme comme une sorte de philosophie spontanée des scientifiques, ou inversement, une philosophie dont la « vérité » dérive de sa proximité avec les sciences (surtout la physique). Dans cet exposé, je réfléchis, en partie à la lumière de ma récente publication Lire le matérialisme (Wolfe 2020b, Wolfe et Moreau 2020)
(i) sur la possibilité de comprendre la portée philosophique de l'histoire du matérialisme (y compris le défi méthodologique de comprendre une doctrine à travers ses critiques),
(ii) sur l'idée de « types » ou « variétés » de matérialisme (mécaniste versus vital, métaphysique versus non-métaphysique, fondé sur la science ou non, mais aussi l'idée spéculative d'un « matérialisme intelligent »), et
(iii) sur la question de savoir si le matérialisme est condamné à être une « tradition discontinue », ou sinon un physicalisme.
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Charles T. Wolfe est Professeur de Philosophie Moderne et Contemporaine à l’Université de Toulouse 2 Jean-Jaurès. Il travaille sur les rapports entre la philosophie de l’âge classique (17e-18e siècles) et l’histoire et la philosophie des sciences de la vie, avec un intérêt particulier pour le matérialisme et le vitalisme, ainsi que des figures telles que Locke, La Mettrie, Diderot et Canguilhem. Il est l’auteur de trois monographies (Materialism : A Historico-Philosophical Introduction, 2016 ; La philosophie de la biologie avant la biologie : une histoire du vitalisme, 2019, et Lire le matérialisme, 2020) et a dirigé des volumes notamment sur les monstres, le cerveau, l’organisme, l’empirisme et le corps, le vitalisme, ainsi que l’Encyclopedia of Early Modern Philosophy and the Sciences (en cours). Il co-dirige la collection ‘History, Philosophy and Theory of the Life Sciences’ chez Springer.
Ses articles et conférences sont disponibles sur https://univ-tlse2.academia.edu/CharlesWolfe
Programme de séances à venir
17 novembre 2021 (à Nancy, en ligne) | Caroline Ehrhardt (Université Paris 8)
Ce que les mathématiciens font aux assurances: le conseil des mathématiciens de la Compagnie d’assurances générales sur la vie des hommes (1818-1823)
8 décembre 2021 (à Nancy) | Claire Crignon (Université Paris Sorbonne)
Confiance et défiance en médecine. La philosophie de la médecine a-t-elle besoin d’une histoire de la philosophie de la médecine ?
26 janvier 2022 (à Nancy, en ligne) | Thomas Pradeu (CNRS) & Mael Lemoine (Université de Bordeaux)
La philosophie peut-elle vraiment contribuer à la science ? De la philosophie des sciences à la philosophie dans les sciences.
16 février 2022 (à Nancy) | Laurent Rollet (Archives Henri Poincaré – AHP-PReST, Université de Lorraine)
« Chère Madame Henri et les enfants ». Les lettres de condoléances à la mort d’Henri Poincaré (juillet-décembre 1912)
23 mars 2022 (à Nancy) | Mathias Girel (Ecole normale supérieure – Université PSL, Paris / République des Savoirs / Centre Cavaillès)
Voir plus loin au milieu du brouillard : quelles confusions les pragmatistes tentent-ils de dissiper ?
27 avril 2022 (à Nancy) | Jean-Baptiste Guillon (Université de Navarre)
Recommencement radical ou retour au sens commun : deux paradigmes du retour méthodologique en méta-philosophie
4 mai 2022 (à Strasbourg) | Yves Gingras (Université du Québec à Montréal – UQAM)
La moralisation de la science
18 mai 2022 (à Nancy) | Lorraine Daston (Institut Max-Planck d'histoire des sciences – MPIWG)
The Origins of International Governance in Science
1 juin 2022 (à Nancy) | Laurence Guignard (Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne/INSPE)
Amatrices et amateurs en science (1850-1950)
8 juin 2022 (à Strasbourg) | Amy Schmitter (University of Alberta)
A Taste for Friends: Hume on the aesthetics, ethics and happiness of friendship
22 juin 2022 (à Strasbourg) | Stéphanie Ruphy (Ecole normale supérieure – Université PSL, Paris / République des Savoirs / Centre Cavaillès)
Les mérites de la démocratie participative sont-ils transposables à la recherche scientifique ? Apports (et risques) des sciences participatives et citoyennes
Lieu : campus Lettres et Sciences Humaines
Adresse : Boulevard Albert 1er
Ville : Nancy
Département : Meurthe-et-Moselle
Région : Grand Est
Pays : France
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